L’Intelligence artificielle (IA) représente une véritable opportunité de développement économique pour les entreprises, l’industrie du textile et de la mode n’est pas en reste. En effet, l’IA s’est progressivement imposée dans le secteur ce qui a permis d’apporter de nouvelles solutions technologiques, ainsi que des améliorations à la chaîne de valeur de la mode.
Le secteur de la distribution et du retail génère une quantité impressionnante de données (stocks, préférence des consommateurs, scope d’achat) qui vont être étudiées et exploitées par l’IA afin de rendre sa chaîne de valeur plus intelligente et connectée. L’analyse de ces données va notamment permettre d’optimiser les processus industriels, notamment au niveau de la gestion des stocks et du réapprovisionnement, et de mieux prédire les ventes, en fonction des tendances, des conditions météorologiques ou des comportements des consommateurs. L’objectif final est d’optimiser l’expérience client des consommateurs.
La Fibretronique des vêtements connectés
Les progrès en fibretronique (implantation de technologie dans les textiles) permettent dorénavant des fonctionnalités très utiles. Actuellement, les matériaux permettant d’implémenter des fonctions dans les vêtements les plus courants sont les tissus conducteurs, mélange de fibres textiles et de fibres métalliques. Depuis quelques années, une nouvelle génération de textiles conducteurs organiques apparaissent en laboratoire. Ils n’incluent pas de fibres métalliques, mais plutôt des polymères (macromolécules présentes à l’état naturel ou créée artificiellement, par exemple, le caoutchouc, les colles, les matières plastiques…).
Par exemple, on retrouve les techniques de microencapsulation qui permettent de stocker des produits actifs au sein du tissu et de contrôler la libération de celui-ci. Les nanotextiles quant à eux, font appel à la nanotechnologie afin de changer les caractéristiques physico-chimiques du tissu. Enfin, les biotextiles sont des fibres textiles destinées à être utilisées dans des endroits spécifiques. Ainsi, leurs caractéristiques s’adaptent selon certaines conditions ou biocompatibilité, ce qui fait qu’une tenue de sport ne va réagir uniquement en cas de transpiration1
Un obstacle ralentit toujours l’essor des vêtements intelligents
L’une des plus grandes difficultés au déploiement des vêtements intelligents, reste le lavage. En effet, s’il n’est pas très compliqué de fabriquer un vêtement intelligent, il est extrêmement complexe de parvenir à le rendre résistant au lavage, à la transpiration ou encore au repassage. Par exemple, si un vêtement enregistre des données physiologiques, il doit posséder des fibres qui restent en place après les lavages sans se détendre ou rétrécir pour pouvoir enregistrer des données toujours aussi précises. De plus, les matériaux utilisés doivent conserver leurs propriétés isolantes pour ne pas mettre en danger l’utilisateur. L’obstacle est de taille, mais il n’est pas impossible à franchir. Ainsi, la solution à ces problèmes commence à se dessiner grâce à la recherche.
Un essor mondial avec deux géants en tête
Pour autant, cette révolution annoncée a déjà trouvé ses combattants, États-Unis et Chine en tête. Ainsi, selon une étude publiée récemment par CB Insights, en 2017, 15,2 milliards de dollars ont été investis dans les start-ups dans le secteur de l’intelligence artificielle dans le monde, ce qui représenterait une croissance phénoménale de +141% en un an, et 1 100
nouvelles start-up par rapport à 2016 2. Même si les géants américains comme Amazon, Google ou Microsoft sont à la pointe des innovations du secteur, c’est la Chine qui est en passe de reprendre la tête de la course, avec 48% des investissements en valeur dans le secteur, contre 38% pour les Etats-Unis.
Prédictions, optimisation et ultra-personnalisation possible grâce à l’Intelligence Artificielle
Les problèmes d’ajustement, qui continuent d’être un problème majeur auquel les marques de vêtements font face aujourd’hui. Ils sont la principale raison des retours d’achats en ligne, qui sont de 30% en moyenne mais peuvent dépasser 50% pour les vêtements plus difficiles à ajuster comme le denim. Afin de régler ce problème, Bold Metrics Inc. a lancé Apparel Insights (BMI AI). Ce produit permet aux marques de vêtements de tirer parti de l’Intelligence Artificielle créée par Bold Metrics pour adopter une approche plus axée sur les données lors de la conception de vêtements et de tailles de prêt-à-porter. Les marques de vêtements peuvent maintenant obtenir par algorithme des mesures corporelles détaillées de leurs clients mieux adaptés aux mensurations réelles.
Google a lui aussi surfer sur la vague de l’IA dans l’industrie du textile avec “Think with Google” qui est spécialisée dans l’analyse et l’étude des nouvelles tendances en mettant directement en ligne ses données concernant la mode . Cela permet d’avoir une visibilité sur les tendances, les vêtements incontournables et ceux qui le deviendront probablement très rapidement3. Encore plus loin, le projet expérimental Muze mettant en commun les données mode de Zalando et l’intelligence artificielle de Google se base également sur le sexe et l’âge du consommateur, sur son humeur son style de musique favori et un style artistique lui correspondant pour lui fournir non pas un choix de produits existants , mais de lui proposer un produit unique créé virtuellement.
Aux Etats-Unis toujours, Vue.ai, principale plate-forme d’intelligence artificielle, promet une automatisation intelligente du commerce de détail . Elle a d’ailleur lancé le premier générateur de modèles, qui analyse les vêtements et génère automatiquement un modèle humain adapté. L’intelligence artificielle peut ainsi générer une figure humaine à partir d’une image du vêtement posé sur une surface plane, tout en prédisant comment le vêtement s’adapterait grâce à des algorithmes développés par des neuroscientifiques et des experts en reconnaissance d’images. Cela permet au système de générer différents types de corps humains et de visualiser le vêtement sur eux.
Dans le même esprit, Edited, une entreprise d’analyse de données spécialisées dans la mode, a conçu un logiciel capable de reconnaître un vêtement sur une photo ou même d’une image grâce à une gigantesque base de données composée de millions d’items recueillis auprès des marques et de vendeurs à travers le monde. Les marques partenaires peuvent ainsi repérer l’émergence de micro-tendances avant leurs concurrents, et adapter leur offre vestimentaire en fonction.
En France, des initiatives sur l’Intelligence Artificielle sont également intéressantes
Chez la marque française de prêt-à-porter Etam, l’intégration de l’Intelligence Artificielle est devenue un enjeu stratégique. Après avoir collaboré avec la société Ysance Autour des outils prédictifs sur les achats et les actions à mener auprès de ses clientes, Etam s’appuie aujourd’hui sur les solutions de Scrambled, sa filiale format start up qui développe ce type d’applications, pour par exemple détecter quand un produit est tendance dans un magasin, pouvoir ainsi le proposer sur le site de vente en ligne et inversement.
En France toujours, la start-up Heuritech, lauréate du « LVMH Innovation Award » en juin 2017, développe une solution de « deep learning », avec une plateforme d’Intelligence Artificielle capable d’analyser des contenus sur le web, pour en exploiter le sens et déceler des tendances. Il s’agit d’un logiciel SaaS (Software as a Service) qui permet de faire le lien entre les réseaux sociaux, notamment le plus visuel de tous Instagram, avec l’émergence des tendances. Cela permet à la société de déterminer les couleurs, les formes, les types de vêtements attendus par les consommateurs.
L’intégration de l’AI directement aux vêtements commence à émerger
La start up Omius Tech a réussi à créer un prototype de veste utilisant l’intelligence artificielle et la robotique pour ajuster automatiquement la température corporelle lors de l’évolution des conditions météorologiques et/ou du niveau d’activité du porteur. Des ouvertures ont été créées sur ce « vêtement vivant » qui peuvent s’ouvrir et se fermer électroniquement selon les variations de la température. Celle-ci est mesurée en permanence grâce à des capteurs.
Autre exemple prometteur d’application de l’IA directement aux vêtements: les vêtements adaptés Aura Powered Clothing du Studio Fuseproject imitent la fonction musculaire comme des « muscles électriques » qui aident les personnes âgées à marcher, se lever et monter les escaliers. La collection a été conçue en collaboration avec l’entreprise robotique Superflex . Le vêtement, qui est fabriqué à partir d’un tissu léger et flexible, vise à fournir un niveau élevé de résistance à travers une série de moteurs logés dans des nacelles hexagonales. Chacune utilise l’intelligence artificielle pour réagir aux mouvements naturels du corps, et ajouter de la puissance musculaire pour aider l’utilisateur à se lever, à s’asseoir ou rester debout. Ces vêtements sont toujours en développement, mais leur lancement commercial sera sans aucun doute un pas déterminant dans le secteur.
Personnalisation de masse, fidélisation client, optimisation des process industriels… Une chose est sûre : dans l’univers du textile et de la mode, l’Intelligence artificielle n’a pas fini d’étonner et de révolutionner un secteur caractérisé par le changement perpétuel.