Dans nos sociétés modernes, on entend de plus en plus parler d’écologie. Tous les secteurs sont peu à peu concernés et graduellement ils sont tous amenés à se mettre au vert pour tendre chaque fois plus vers le développement durable. A l’heure du digital et du tout connecté, il n’est finalement pas si surprenant de voir apparaître l’écologie émerger dans le secteur informatique. Nommé Green IT ou Green computing dans la langue de Shakespeare, Molière lui préfèrera le terme d’IT écologique. Enfin, si le nom peut changer, l’objectif global reste le même : réduire l’empreinte carbone générée par les Systèmes d’Information des entreprises tout en réalisant des économies. Joindre un peu de profit à ce qui est nécessaire, voici une bonne manière de se mettre au vert.

Breaking News : Internet et ses équipements polluent

Ce n’est pas surprenant, Internet n’est pas une technologie aussi propre qu’il y paraît. Nos ordinateurs, serveurs, data centers et autres membres de la famille IT, consomment bien plus que ce que l’on imagine. Pour avoir une idée de l’ampleur, les TIC seraient responsables de 2% des émissions de CO2, soit autant que l’aviation…

En effet, d’après l’ADEME rien que dans une entreprise de 100 personnes, l’envoi et la réception des mails quotidiens engendrent autant de rejets de CO2 que 13 allers-retours Paris/New-York… Cette prise de conscience récente commence à remonter par capillarité dans nos sociétés, start-ups en avant-garde.

Le B.A.BA du Green IT : notion récente, définitions variées, mais une essence plus ancienne

Si l’objectif général du Green IT est facilement assimilable, sa concrétisation peut prendre bien des formes. La définition même peut varier selon les sources.

Le Journal officiel de la République Française du 12 juillet 2009 a défini le Green IT comme “Les éco-entreprises de l’information et de la communication, abrégé en éco-TIC, sont des techniques de l’information et de la communication dont la conception ou l’emploi permettent de réduire les effets négatifs de l’activité humaine sur l’environnement.” Cette définition est assez floue et générique.

Pour plus de précisions, nous prendrons dans cet article celle de San Murugesan (Directeur des services professionnels BRITE et professeur auxiliaire à l’Université Ouest de Sydney en Australie) dans son article Harnessing Green IT : Principles and Practices. Il définit le domaine du Green IT comme “l’étude et la pratique de la conception, la fabrication, l’utilisation et la réduction du nombre d’ordinateurs, des serveurs et des sous-systèmes associés, tels que les moniteurs, les imprimantes, périphériques de stockage et réseautage (networking), ainsi que des systèmes de communication – avec efficience et efficacité, avec un impact minime ou nul sur l’environnement”. Bien sûr le Green IT est plus qu’un ensemble d’équipements, c’est aussi la mise en place de bonnes pratiques systématisées. Celles-ci seront d’ailleurs présentées dans un prochain article.

Pour garder une définition assez claire et concise en tête, on peut reprendre celle donnée par l’Institut d’électronique et d’informatique Gaspard-Monge (Université IGM – Paris) : “Le Green IT, aussi appelé Informatiques éco-responsable, est un état de l’art de méthodes, de bonnes pratiques et de matériels informatiques visant à réduire notre empreinte écologique, économique et sociale sur notre environnement”.

Si le Green IT est une notion récente, son concept en lui-même est plus ancien. En effet, l’idée d’économie d’énergie a toujours existé (même si on ne parlait pas de Green IT en ces temps-là). Dans nos sociétés, il a toujours été un enjeu dans tous les secteurs confondus de faire plus, avec toujours moins (pour le meilleur et pour le pire d’ailleurs).

À titre d’exemple, l’un des premiers pas vers le Green IT en quelques sortes, a été en 1992 lorsque l’Agence Américaine de protection de l’environnement a lancé “Energy Star”, un programme de labellisation qui consistait à promouvoir l’efficacité énergétique des écrans informatiques, des centrales ou du matériel de climatisation interne. Ce programme a ainsi permis d’aboutir à l’adoption généralisée du mode “mise en veille” connu dans le secteur de l’informatique grand public. La mise en veille des appareils est essentielle pour éviter une surconsommation énergétique inutile, faire des économies et prolonger la durée de vie des équipements. 

Les principes du Green IT pourraient se résumer ainsi :

  • Réduire l’utilisation des matériaux dangereux et vérifier la consommation d’énergie,
  • Maximiser l’efficacité énergétique durant la durée de vie du produit,
  • Promouvoir la recyclabilité et la biodégradabilité des éléments devenus obsolètes et/ou des déchets engendrés par son utilisation.

Pour cela, les recherches se poursuivent dans plusieurs domaines clés tels que le développement d’application spécifique à la gestion d’énergie, l’amélioration de l’efficacité électrique ou l’utilisation des systèmes d’informations avec les compteurs et réseaux intelligents. Les réseaux intelligents sont particulièrement prometteurs car ils permettent de recueillir, distribuer et agir sur les informations et le comportement de tous les acteurs, des fournisseurs aux consommateurs, afin d’améliorer l’efficacité, la durabilité et la fiabilité de manière pérenne (un article sera prochainement dédié aux réseaux intelligents). 

Le Green Computing : une mise en œuvre complexe, mais nécessaire

Complexe, car s’il y a un secteur où les impacts environnementaux sont présents du début à la fin de la chaîne c’est bien dans l’IT. En effet, la conception d’une simple puce de 2 grammes nécessite la bagatelle de 700 grammes de gaz, 32 litres d’eau et 1,6 kilogrammes de “pétrole” , alors pour la fabrication des ordinateurs et smartphones, cela ne peut être qu’exponentiel, tandis que leur recyclage est pour le moins perfectible .

Pourtant, les sources de pollutions directes sont belles et biens identifiées. Depuis le début des années 2000, une directive européenne encadre même le recyclage de ces Déchets des Equipements Electriques et Electroniques (DEEE) , mais cela n’est pas encore suffisant, les règles devraient être mondiales et à la hauteur du challenge. Rien que pour le smartphone, son utilisation (et donc sa production) est en constante augmentation, elle a presque doublé en 6 ans. Selon Statista, le nombre d’utilisateurs de smartphone dans le monde était de 1.57 milliards en 2014 contre 2.87 milliards estimés en 2020 (sur un marché potentiel pouvant atteindre 6 milliards et plus), et ce n’est que pour les téléphones mobiles, si on ajoute, les ordinateurs et leurs équipements…

Ainsi, de l’usine à la benne, tout ce qui relève de l’usage de ces appareils est du ressort du Green IT. C’est le respectable cabinet de conseil en Technologie Gartner qui en 2007 a mis en premier le doigt sur l’importance du Green IT, car même les données polluent. En effet, leur stockage, leur mobilisation par une requête HTTP, leur création même… toutes ces actions qui semblent en apparence anodines consomment en réalité beaucoup d’énergie et avec cette (sur-)consommation énergétique, les gaz à effet de serre sont également aux rendez-vous.
Ces problèmes environnementaux poussent aujourd’hui les parties prenantes institutionnelles : gouvernements, pays, villes, chefs d’entreprise ; à collaborer ensemble sur un programme durable. On le voit notamment dans la multiplication des sommets mondiaux pour l’environnement. Toutefois, si les enjeux sont colossaux, les états peinent à agir concrètement et surtout en cohésion.

Toutefois, pour les entreprises, intégrer la durabilité à l’efficacité peut fournir de nombreux avantages, notamment en termes d’économie (avec des gains sur les coûts de l’énergie, de l’eau et de la gestion des déchets), d’efficacité et de différenciation concurrentielle par une image de marque positive. Alors, l’intérêt particulier des entreprises à faire des économies tout en étant plus performantes via le Green IT pourrait-il servir l’intérêt général de la préservation de l’environnement en ne polluant pas (trop) la planète ? Jean-Jacques Rousseau disait que “l’intérêt général est la somme des intérêts particuliers”, cela pourrait-il s’appliquer à l’écologie par le biais de nos entreprises ?

Entre économie et éthique, le cœur du Green IT balance

Si le concept du Green IT permet de diminuer les dépenses liées à l’exploitation (diminution des coûts de l’énergie) tout en améliorant l’efficacité opérationnelle et la gestion des budgets CAPEX, bureaux mobiles, réseaux et cloud computing; il permet surtout de construire une image « d’organisation éco-responsable » et de ce fait d’améliorer considérablement l’image de l’entreprise auprès des potentiels consommateurs comme pour le grand public.

Les avantages économiques potentiels du Green IT peuvent-être mesurables. Toutefois, la nature comme l’ampleur des avantages en RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) pour une organisation varient en fonction du domaine de l’entreprise et sont quant à eux plus difficilement quantifiables. Cependant, les motivations éthiques sont quelques fois plus importantes que celles purement financières. Avec un grand public de plus en plus sensibilisé à l’écologie, il est toujours opportun de montrer “patte verte”.

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 1- ACS Publication – The 1.7 Kilogram Microchip:  Energy and Material Use in the Production of Semiconductor Devices – Eric D. Williams, Robert U. Ayres & Miriam Heller (Octobre 2002) 

2- L’Express – Le trafic juteux des déchets illégaux – Emmanuel Botta (Octobre 2017)

3- Ministère de la Transition écologique et solidaire – Déchets d’équipements électriques et électroniques (Janvier 2020)

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